Giorgio De Chirico: Una noche (bilingüe)

9 de febrero de 2014






La noche última el viento silbaba tan fuerte que creí
        iba a derribar las rocas de cartón.
Mientras duraron las tinieblas las luces eléctricas
Ardían como corazones.
En el tercer sueño me desperté cerca de un lago
Adonde venían a morir las aguas de dos ríos.
Alrededor de la mesa las mujeres leían.
Y el monje se callaba en la sombra.
Lentamente pasé el puente y en el fondo del agua oscura.
Vi pasar lentamente grandes peces negros.
Súbitamente me encontraba en una ciudad grande y cuadrada.
Todas las ventanas estaban cerradas, doquier silencio
Doquier meditación
Y el monje pasó aún al lado mío. A través los agujeros
de su silencio podrido vi la belleza de su cuerpo pálido
         y blanco como una estatua del amor.
Al despertar la dicha dormía aún cerca de mí.


Une nuit

La nuit dernière le vent sifflait si fort que je croyais
         qu’il allait abattre les rochers en carton.
Tout le temps des ténèbres les lumières électriques
Ardaient comme des coeurs
Dans le troisième sommeil je me réveillai près d’un lac
Où venaient mourir les eaux de deux fleuves. Autour de la table les femmes lisaient.
Et le moine se taisait dans l’ombre.
Lentement j’ai passé le pont et au fond de l’eau obscure
Je vis passer lentement de grands poissons noirs.
Tout à coup je me trouvai dans une ville grande et carrée.
Toutes les fenêtres étaient closes, partout c’était silence
Partout c’était méditation
Et le moine passa encore à côté de moi. A travers les trous de son cilice pourri
je vis la beauté de son corps pâle et blanc comme une statue de l’amour.
Au réveil le bonheur dormait encore près de moi.


Publicado en "La Révolution Surréaliste" n°5
César Moro: Antología surrealistas franceses
Selección y traducción: César Moro
Editor Pablo Mora
Mexico, UNAM, 2010
Imagen: Giorgio de Chirico - “Autorretrato” 1937

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